Critique de film : Bugonia (2025)

Synopsis : Deux jeunes hommes obsédés par la conspiration kidnappent la PDG d’une grande entreprise, convaincus qu’elle est un extraterrestre qui a l’intention de détruire la planète Terre.

Ressenti : Y a‑t‑il vraiment un duo réalisateur‑acteur aussi créativement prolifique que celui formé par Yorgos Lanthimos et Emma Stone ? Depuis une dizaine d’années, le cinéaste grec guide son actrice fétiche à travers des univers aussi étonnants que variés : d’une satire royale tumultueuse ( The Favourite) à une fable féministe fantasque ( Poor Things), en passant par un triptyque d’un noir absolu ( Kinds of Kindness) et même une courte œuvre d’opéra expérimental de 16 minutes ( Bleat, 2022).Et voici que ces deux esprits excentriques et complices reviennent encore avec Bugonia, un film à la fois captivant et teinté d’un humour misanthrope.

Emma Stone incarne ici Michelle Fuller, la PDG charismatique et autoritaire d’Auxolith Biosciences , Féroce comme une panthère et semblant avoir tiré les pires leçons possibles des chansons de Chappell Roan, elle représente la quintessence du capitalisme opportuniste : une dirigeante qui prône la diversité tout en incitant subtilement ses employés à faire des heures supplémentaires « si besoin ».

Jesse Plemons, Emma Stone, aet Aidan Delbis dans Bugonia (2025)

Mais sa journée va vite tourner au cauchemar. Teddy (interprété par Jesse Plemons), un apiculteur solitaire et un peu dérangé, et son frère Don (Aidan Delbis) deux complotistes passant trop de temps en ligne, élaborent un plan absurde : kidnapper Michelle, lui raser la tête (Stone se fait raser les cheveux en direct dans le film) et l’enfermer dans leur cave. Leur accusation ? Elle serait une extraterrestre venue de la planète Andromeda , envoyée pour anéantir l’humanité et décimer les abeilles.

Critique de film : Bugonia (2025)
CONCLUSION
Bugonia reste fortement recommandé pour les amateurs de Lanthimos, de satire noire et de cinéma de genre tordu, mais à déconseiller à celles et ceux qui sont sensibles à la violence psychologique et physique prolongée.
Note des lecteurs4 Notes
POSITIF
Emma Stone livre un jeu plus retenu mais très précis, constamment entre vulnérabilité, froideur et possible inhumanité, tandis que Jesse Plemons compose un ravisseur instable, paranoïaque et imprévisible, dont la violence explose après une longue montée en pression. Leur duel psychologique, avec Don le cousin comme contrepoint tragique, donne au film sa tension émotionnelle et sa dimension humaine malgré l’absurde
Lanthimos retrouve son mélange d’absurdisme, de malaise et d’humour noir, en jouant sur un décor domestique banal transformé en chambre de torture, des inserts oniriques en noir et blanc et une photographie à la fois belle et inquiétante. La manière dont le film glisse du comique absurde au cauchemar moral en dit long sur la paranoïa contemporaine, l’effondrement écologique et la violence des rapports de pouvoir.
Bugonia fonctionne comme une fable sur la foi complotiste, la culpabilité écologique et la brutalité d’un capitalisme pharmaceutique qui broie les individus, en particulier via la mère comateuse de Teddy victime d’un essai clinique. Le film garde volontairement une ambiguïté sur la nature réelle de Michelle et des Andromédans, ce qui renforce la dimension politique et nihiliste du final.
NEGATIF
la brutalité des scènes de torture, la répétition des interrogatoires et la montée graduelle du sadisme risquent de fatiguer, surtout que le film joue longtemps la carte du malaise frontal. Certains critiques soulignent que la construction est moins tendue que dans The Favourite ou The Lobster, avec un milieu de film qui patine un peu avant de retrouver de l’élan vers le climax.
Remake moins percutant que l’original : en reprenant de très près la structure de Save the Green Planet! tout en l’« occidentalisant », Bugonia perd une partie de l’énergie hystérique et du ton cartoonesque ultra radical du film coréen. Le résultat reste audacieux, mais peut paraître plus sage ou plus contrôlé aux yeux de ceux qui connaissent l’original, qui assumait encore davantage son côté « acid trip » conspirationniste.
3.5

Yorgos Lanthimos ne recule pas devant la satire politique : Teddy porte l’aura malsaine d’un « incel », s’étant lui-même (ainsi que son frère) chimiquement castré et vomissant sa haine des élites. Pourtant, le scénario évite d’en faire une simple caricature, suggérant plutôt qu’il agit sous le poids d’un profond chagrin transformé en rancune. La photographie de Robbie Ryan, avec ses objectifs grand‑angle dérangeants, oppose la saleté poisseuse de la maison de Teddy à la froide perfection du monde d’entreprise de Michelle : les deux faces d’une même médaille corrodée.

Emma Stone dans Bugonia (2025)

Inspiré du délirant film coréen de 2003 Save The Green Planet! , le long métrage se déroule comme une version encore plus folle et exacerbée de Misery sauf que, cette fois, le personnage à la James Caan serait accusé d’avoir aspergé les abeilles de pesticides néonicotinoïdes. Sur la musique tantôt majestueuse, tantôt dissonante de Jerskin Fendrix, s’engage un duel rhétorique captivant, où le pouvoir change constamment de camp, tandis que Teddy et le spectateur avec lui, s’interrogent sur la véritable nature de Michelle : est‑elle vraiment humaine ?

Bien qu’il fonctionne à merveille comme un thriller tendu et sombrement drôle, le film regorge aussi d’idées plus vastes : l’effondrement de la colonie d’abeilles de Teddy symbolise le déclin imminent de l’humanité. Ce qui commence comme l’œuvre la plus accessible de Lanthimos dérape ensuite dans une conclusion chaotique, provocatrice et cynique. Moins dérangeant que Kinds Of Kindness et moins excentrique que Poor Things, ce film confirme toutefois l’excellente synergie entre le réalisateur et son actrice fétiche. Puisse cette collaboration se poursuivre longtemps.

Jesse Plemons dans Bugonia (2025)

Bugonia reste fortement recommandé pour les amateurs de Lanthimos, de satire noire et de cinéma de genre tordu, mais à déconseiller à celles et ceux qui sont sensibles à la violence psychologique et physique prolongée.

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