Critique de film : The Gorge (2025)

Synopsis : Deux agents surentraînés sont affectés à des postes de garde dans des tours situées des deux côtés d’un vaste gouffre secret, afin de protéger le monde du mal mystérieux qu’il renferme. Nouant des liens malgré la distance, les deux agents doivent rester vigilants face à cet ennemi invisible. Mais lorsque la menace cataclysmique pour l’humanité leur est révélée, ils devront faire équipe pour maintenir le secret à l’intérieur du gouffre avant qu’il ne soit trop tard.

Ressenti : Quelque part, loin et dans un lieu inconnu caché par la brume, les arbres et la technologie secrète, un étrange abîme s’ouvre énormément. C’est la bizarrerie du titre de The Gorge, un film de créatures à grande échelle disponible sur Apple TV+ cette semaine. Ils appellent les fuyards hurlants et rampants ou les hommes creux. Ce qui émerge de la Gorge, escaladant les parois des murs construits autour de ses marges est de l’ordre du cauchemar. Comme les films qui débutent sur l’Apple TV+, ce qui entre dans la Gorge n’est jamais revu. De nos jours, ce qui sort en salle et ce qui n’y sort pas est tout aussi frustrant que le mystère qui entoure ce trou caverneux. Alors qu’un téléfilm glorifié de Marvel Studios domine les salles de cinéma, un film d’action de science-fiction beaucoup plus percutant sur des monstres radioactifs disparaît dans l’abîme du streaming et c’est bien dommage.

The Gorge présente brièvement son concept de La Quatrième Dimension et a été réalisé par Scott Derrickson, dont le Doctor Strange reste l’un des films Marvel les plus esthétiques. C’est Levi (Miles Teller), un marine sniper décoré qui nous parle de la Gorge. Il est poursuivi par un chef des services de renseignements tellement sauvage et sûr de lui que seule Sigourney Weaver pouvait l’incarner (comme d’habitude, les connotations automatiques avec les extraterrestres sont un bonus, une approbation tacite pour une histoire de créatures filiformes qui émergent de l’ombre). Levi est particulièrement qualifié pour gérer une bouche de l’enfer, car il est un tireur d’élite de renommée mondiale. Avant même de s’en rendre compte, il prend en charge l’un des deux miradors situés de part et d’autre de la vallée des monstres et libère son prédécesseur de la garde qu’il assurait depuis un an. Un peu comme le mur de Berlin, l’Est et l’Ouest ont chacun des yeux en l’air.

Miles Teller & Anya Taylor-Joy dans le film The Gorge (2025)

Qu’est-ce que la Gorge ? Dans la brume du suspense à la J.J. Abrams on pourrait se demander s’il ne s’agit pas d’un nid de Cloverfield. Le film ne se résume pas à des sièges de châteaux et à des énigmes. The Gorge, en revanche, s’intéresse presque autant à la romance qui naît entre Levi et son homologue de la tour, Drasa (Anya Taylor-Joy), une descendante du KGB, tireuse d’élite qui est présentée dans la première scène en train de tirer un coup de feu mortel depuis un nid de corbeaux. C’est à travers des jumelles qu’ils se rencontrent. Elle est un peu rock ‘n’ roll et lui un peu country. Comme les rivaux d’un hymne de Franz Ferdinand, ils flirtent avec des balles et échangent des notes griffonnées. Un montage passe même d’une partie d’échecs aux blagues internes et à des solos consécutifs de batteries improvisées.

L’écriture de Zach Dean pour The Tomorrow War qui associait un Chris Pratt presque parfait à des vagues d’horreur similaires, démontre son penchant pour les héros militaires purs. Peut-être qu’un peu de la nervosité que l’acteur a apportée à Whiplash serait un bon complément à l’interprétation de Levi par Teller. En plus d’être le meilleur tireur du monde, il est aussi un poète modeste (mais pas assez modeste, si l’on en croit le bref extrait de ses vers que nous voyons) et un danseur faussement gracieux. Son seul défaut apparent est le bon sens, celui qui obligerait quelqu’un à s’enquérir de son véritable employeur et du sort des tueurs à gages qui, comme lui sont manifestement sans attaches après leur année passée dans l’ombre à la Gorge est terminé.

Miles Teller dans le film The Gorge (2025)

C’est une première heure amusante et créative. Derrickson dépeint ce qui est effectivement une cour COVID dans une romance à longue distance dans laquelle la distance est un énorme canyon de malheur avec très peu de conversation. Teller est plus crédible en tant que reclus réservé abaissant progressivement ses défenses qu’en tant qu’homme énamouré qu’il devient une fois le mur abattu. Cependant, il est soutenu par Taylor-Joy qui s’amuse à prendre un accent balte et dont les yeux immenses brillent de plaisir comme lorsqu’elle incarne Furiosa. On en oublierait presque que l’on assiste à une romance entre mercenaires vicieux alors qu’ils dansent tous les deux sur une ballade des Yeah Yeah Yeahs au clair de lune.

Derrickson doit nous plonger dans ce gouffre inquiétant avec la même certitude qu’il doit finalement combler la distance entre ses tourtereaux mortels. Peu de gens seront stupéfaits par ce qui se passe là-dessous mais certains verront leur cœur s’emballer. The Gorge s’approprie librement des éléments de l’atmosphère sinistre d’Annihilation ainsi que des parties de plus en plus effrayantes de King Kong. Lorsque Levi et Drasa cessent de courir et de tirer pour dérouler une bobine d’explications pratiques sur le laboratoire, on peut aussi penser à un survival horror au goût de poil à gratter. Après le jeu de genre plus inventif de la première heure, tout devient un peu plus traditionnel mais Derrickson gère le chaos avec le sang-froid que l’on attend d’un réalisateur dont le CV comporte à la fois des lunettes de super-héros et des thrillers surnaturels. L’air empoisonné qui modifie la teinte des couleurs toutes les quelques minutes est une touche astucieuse. Il en va de même pour la dernière musique de Trent Reznor et Atticus Ross qui se contente d’accords rock et de sirènes inquiétantes et la bande-son idéale pour cette guerre des mondes.

Anya Taylor-Joy dans le film The Gorge (2025)

The Gorge n’est pas un nouveau classique opulent du genre. L’ingéniosité du film réside principalement dans les restrictions qu’il a finalement levées en matière de parole, d’interaction et de visibilité du danger. Cependant, les sensations fortes sont présentées avec goût et cohérence, avec le genre d’effets complexes qu’Hollywood réservait aux premières attractions arrivant dans votre cinéma local. Sur un écran trop petit pour votre salon, vous devriez pouvoir apprécier ses petites joies et ses erreurs. L’autoplay est actuellement la meilleure chance de The Gorge d’attirer des spectateurs ; il attirera sans doute ceux qui ont oublié d’éteindre leur télévision après Severance.

Critique de film : The Gorge (2025)
Conclusion
"The Gorge" propose une expérience cinématographique visuellement captivante, portée par des acteurs talentueux. Cependant, des incohérences tonales et un scénario peu approfondi peuvent laisser le public sur sa faim. Les amateurs de mélanges de genres pourraient y trouver leur compte, tandis que d'autres pourraient être déconcertés par l'exécution inégale du film. Cela dit le film se laisse regarder bien calé dans son fauteuil , a voir ...
Note des lecteurs9 Notes
Positif
Performance des acteurs principaux : Anya Taylor-Joy et Miles Teller offrent des performances solides, parvenant à instaurer une alchimie convaincante entre leurs personnages. Leur engagement donne de la profondeur à une intrigue parfois chaotique.
Production de qualité : La cinématographie de Dan Laustsen et la bande sonore composée par Trent Reznor et Atticus Ross contribuent à créer une atmosphère immersive, renforçant l'impact des scènes clés du film.
Séquence d'action notable : Une scène marquante montre les protagonistes escaladant une falaise à bord d'une Jeep, affrontant des créatures mutantes. Tournée avec un minimum d'effets spéciaux numériques, cette séquence témoigne d'une réalisation technique impressionnante.
Négatif
Ton inégal : Le film tente de combiner plusieurs genres, notamment la science-fiction, la romance et l'horreur. Cette approche entraîne des variations de ton qui peuvent déstabiliser le spectateur et nuire à la cohérence globale de l'œuvre.
Intrigue superficielle : Malgré un concept intrigant, le développement de l'histoire reste en surface, manquant d'approfondissement et laissant certaines questions sans réponse.
Romance forcée : La relation amoureuse entre les personnages principaux semble parfois artificielle, s'appuyant sur des clichés romantiques qui affaiblissent l'originalité du récit.
3.8