Synopsis : Au XVᵉ siècle, le prince Vladimir sort victorieux de la guerre qu’il a menée au nom de Dieu. Dieu qu’il reniera suite au meurtre de sa femme par ses ennemis. Changé en vampire, il parcourt les siècles dans l’espoir de revoir sa bien-aimée.

Ressenti : Luc Besson signe avec Dracula un mélodrame gothique visuellement ambitieux mais narrativement bancal qui fonctionne mal en film de vampires et encore moins en adaptation de Bram Stoker. Même en reconnaissant quelques qualités formelles, l’ensemble reste lourd, répétitif et souvent ridicule.
Le film réécrit la légende en insistant sur la romance tragique du prince Vlad maudit après la mort de son épouse et condamné à errer à travers les siècles pour tenter de la retrouver. L’intention assumée est de proposer un Dracula romantique et lyrique plutôt qu’un pur film d’horreur, avec une seconde partie centrée sur la relation entre Dracula et une jeune femme contemporaine qui rappelle son amour perdu.
Ce choix déplace le récit vers le mélo gothique mais au prix d’une vraie tension horrifique ce qui laisse de côté une grande partie de ce que le public peut attendre d’un Dracula. Le résultat donne souvent l’impression d’un roman-photo kitsch, saturé de clichés visuels et de dialogues grandiloquents.

Sur le plan visuel, le film est loin d’être paresseux : décors d’époque, costumes, reconstitution de la Roumanie du XVe siècle et passages en Europe occidentale bénéficient d’un vrai soin plastiquement très séduisant. La photographie exploite bien les contrastes entre châteaux, paysages enneigés et rues nocturnes, donnant parfois au film un aspect de cauchemar fiévreux, typique des excès de Besson.
La bande originale de Danny Elfman propose plusieurs thèmes marquants, pensés pour couvrir à la fois la dimension romantique, la grande séquence de danse et le côté guerrier/vampirique de Dracula. Même si certains critiques pointent des échos évidents à ses travaux précédents et à Kilar sur le Dracula de Coppola, la musique soutient efficacement l’atmosphère gothique et l’emphase du récit.

Caleb Landry Jones trouve dans Vlad/Dracula un terrain de jeu à la hauteur de son style extrême : il compose un prince tourmenté, fragile et fiévreux, parfois touchant dans sa mélancolie. Ce parti pris d’un Dracula plus victime que monstre permet quelques beaux moments même si la mise en scène en rajoute souvent au point de frôler l’auto-parodie.

Christoph Waltz en prêtre chasseur de vampires, apporte un contrepoint plus sec et ironique, mais son personnage reste sous-exploité, réduit à une fonction plutôt qu’à un véritable arc dramatique. Quant aux personnages féminins, plusieurs critiques soulignent qu’ils sont écrits de façon stéréotypée, coincés entre muse sacrifiée et objet de désir, ce qui renforce la dimension datée du film.
Le principal problème du film tient dans son scénario : Besson tord la trame de Stoker pour faire entrer de force sa romance à travers les siècles, au prix d’incohérences et de facilités qui finissent par vider l’histoire de sa logique interne. Les enjeux horrifiques (contagion, menace du vampire, enquête, siège final) sont traités en surface comme de simples prétextes à des tableaux romantiques, ce qui frustre autant les fans du roman que les amateurs de pur film de genre.

Le rythme s’écroule particulièrement dans la deuxième heure, centrée sur la relation Dracula/Mina sans réelle alchimie ni mise en scène capable de faire exister cette “grande histoire d’amour”. Beaucoup de séquences se déroulent dans des décors limités, donnant une impression de film à gros budget qui se termine entre quatre murs, avec un final qui manque de puissance émotionnelle comme de terreur.
Au final, Dracula version Luc Besson ressemble à un grand geste romanesque visuellement travaillé mais plombé par un script confus, une vision naïve de la romance et une compréhension très superficielle de ce qui fait la force du mythe de Stoker. Les qualités plastiques, la musique d’Elfman et l’engagement des acteurs empêchent le naufrage complet, mais ne suffisent pas à faire oublier la faiblesse de l’écriture et l’absence de vraie peur.

Pour un public fan de vampires et de cinéma de genre, « Dracula » version Besson fonctionne surtout comme curiosité romanesque luxueuse plutôt que comme grand film d’horreur. On peut le recommander pour la performance habitée de Caleb Landry Jones, l’ampleur visuelle et la musique, mais en avertissant que l’ensemble reste sage, peu horrifique et assez inégal sur le plan narratif.









